Sportivité ou stratégie ?
Dans le golf, la frontière est parfois aussi fine qu’un putt de 30 cm.
Des Interclubs Juniors à la Ryder Cup,
retour sur ces histoires où les règles deviennent…
le 15e club du sac.

 

Le 15e club : connaître les règles (et savoir s’en servir)

Lors des récents Interclubs Juniors, une partie de match play a déclenché un débat digne d’un comité d’arbitrage de Ryder Cup. Deux jeunes compétiteurs, appelons-les joueur A et joueur B, se sont affrontés… et pas seulement à coups de drives.

Que s’est-il donc passé ? Sur un green, le joueur A demande au joueur B de déplacer son marque-balle qui gêne sa ligne de putt. B s’exécute, mais aurait ensuite « oublié » de remettre le marqueur à sa place d’origine avant de rentrer son putt. A réclame immédiatement le trou, arguant d’une faute de règle. B, sûr de lui, jure avoir replacé son marqueur correctement.

Arbitre appelé, verdict rendu : faute de témoin, c’est la version du joueur B qui prévaut. Il garde son trou, et finira même par remporter le match au playoff. Résultat : radio-trottoir s’enflamme. Certains accusent A de manquer de sportivité pour avoir laissé son adversaire commettre une erreur fatale. D’autres trouvent au contraire que la règle, c’est la règle.

Alors, qui a raison ? Tout accusé a droit à sa défense, surtout quand trois questions restent en suspens :
1. Qu’est-ce que la sportivité au golf ?
2. Utiliser les règles à son avantage pour gagner un
match play, est-ce manquer de sportivité ?
3. Quand un arbitre tranche faute de témoins, peut-on vraiment parler de justice équitable ?

Pas de réponses simples. Mais une certitude : cette polémique a réveillé le souvenir de situations autrement plus célèbres – celles de la Ryder Cup – où sportivité, règlement et psychologie se sont télescopés avec fracas.
« The Concession » – 1969, Royal Birkdale

Tout commence par un geste resté dans l’histoire. Le 20 septembre 1969, Jack Nicklaus concède à Tony Jacklin un putt d’à peine 90 centimètres sur le 18e trou de leur simple. Résultat : match nul, et par ricochet, Ryder Cup également partagée (16–16). Les Américains gardent le trophée, puisqu’ils en étaient détenteurs, mais ce geste,
« The Concession », est entré dans la légende.

Dans un contexte tendu, où la rivalité frisait parfois l’animosité, Nicklaus choisit le respect. Jacklin n’a pas eu à taper ce putt, mais l’image d’un grand champion offrant un geste de pure sportivité a traversé les décennies. Et, cerise sur le green, ce moment scellera le début d’une amitié sincère entre les deux hommes. https://youtu.be/MpR1foPTJxg

Quand un « gimme » n’en est pas un – 1995, Oak Hill
Autre époque, autre ambiance. Seve Ballesteros affronte Tom Lehman en simple. Lehman, confiant, ramasse sa balle sur un putt minuscule, pensant que c’était donné. Problème : seul l’adversaire peut concéder un coup. Seve bondit sur l’occasion et réclame le trou. Arbitrage, palabres… Finalement, pour éviter le scandale, le trou est partagé.
Lehmann était fair-play, Seve intraitable. Certains diront rusé, d’autres tatillon… Mais à la Ryder Cup, Ballesteros savait transformer le règlement en arme psychologique.
Azinger vs. Seve – la saga des balles

Ah, la « one-ball rule »… ce règlement qui impose de jouer la même marque de balle pendant tout un tour. En 1989, au Belfry, Seve remarque qu’Azinger utilise un modèle différent de celui déclaré au départ. Réclamation immédiate. Azinger bouillonne, Seve sourit (intérieurement). Le ton monte.

Rebelote en 1991 à Kiawah Island, lors de la célèbre « War on the Shore ». Cette fois, Seve accuse Azinger et Floyd d’alterner les balles selon les coups : plus tendre pour les approches, plus dure pour les drives. L’arbitre s’en mêle, les insultes fusent, le public retient son souffle. Azinger traite Seve de tricheur, Seve parle de manque de respect. Résultat ? Un match incandescent où Seve et Olazábal se transcendent pour arracher la victoire.
Respect après la tempête

L’affrontement Seve–Azinger est devenu une saga à part entière. Deux personnalités volcaniques, deux compétiteurs hors normes, deux visions du jeu. Sur le parcours, c’était la guerre des nerfs. Mais plus tard, la rivalité s’est muée en respect mutuel. À la mort de Ballesteros en 2011, Azinger déclarera :
« Il savait comment jouer la Ryder Cup mieux que quiconque. Il savait aussi comment me sortir de ma zone de confort. Mais je le respecte profondément. »

Le 15e club
A la Ryder Cup comme aux Interclubs Juniors, le 15e club du sac n’est pas une arme secrète ni un wedge magique, mais la parfaite maîtrise des règles – et le courage de les brandir au bon moment. Sportivité et règlement se toisent, s’affrontent et parfois s’embrassent. Et c’est peut-être ce mélange explosif qui fait du golf… un sport aussi passionnant à regarder qu’à débattre.

 

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